Solutions adoptées et propositions en vue de l’harmonisation européenne de l’impôt sur les sociétés

Diego Gonzalo Montoya Esteban.

2008 Boletín Fiscal Quantor. Suplemento de Fiscalidad Internacional, n.º 26


1.     La nécessaire harmonisation de la fiscalité directe et les solutions adoptées 

Le Conseil européen qui s’est tenu à Lisbonne au cours de l’année 2000, a fixé comme objectifs prioritaires de l’Union européenne, l’amélioration de la compétitivité, la croissance et l’emploi, de telle sorte qu’en 2010, l’Union européenne dispose d’une économie capable de rivaliser dans les mêmes conditions avec les autres puissances économiques et les pays émergents. Dans ce contexte, le Conseil européen a souligné qu’une régulation adéquate de l’impôt sur les sociétés de chaque État membre pourrait être un instrument important pour atteindre ces objectifs. 

En conséquence, la Commission européenne (ci-après dénommée, la « Commission »), a présenté en 2001 une étude intitulée La Fiscalité des entreprises dans le Marché intérieur (SEC 2001, 1681, du 23 octobre 2001) dans laquelle figurent ses conclusions concernant la fiscalité des entreprises ainsi que les lignes de réforme. Selon la Commission, les systèmes d’imposition sur les sociétés n’étaient pas adaptés aux évènement tels que la mondialisation ou l’intégration économique dans le marché intérieur, ce pourquoi une nouvelle approche s’est avérée nécessaire afin de corriger les déficiences actuelles et permettre que le marché intérieur fonctionne comme un marché unique. 

Dans ce cadre, la Commission a identifié les principaux obstacles fiscaux ayant des conséquences sur l’activité économique des entreprises qui opèrent au sein de plusieurs pays de l’Union européenne[1] et a présenté une stratégie à double voie afin de les supprimer. 

Tout d’abord, à court terme, des mesures spécifiques furent adoptées afin de supprimer ou atténuer les répercussions des entraves fiscales identifiées, parmi lesquelles figurent notamment les modifications de la directive mère filiale et de la directive relative aux fusions, la mise en œuvre de la directive relative aux intérêts et redevances ainsi que la création d’un « Forum conjoint de l’Union européenne sur les prix de transfert ». 

Bien que les solutions mises en œuvre aient atteint leurs objectifs et permis d’atténuer en grande partie les problèmes identifiés, la Commission a estimé que lesdites mesures ne parviendraient en elles-mêmes à régler le problème fondamental auquel sont confrontées les firmes multinationales européennes : la difficulté et le coût que représente la prise en compte de vingt-sept systèmes d’imposition différents. 

Ainsi, à long terme, la Commission souligne que la seule manière de faire face aux obstacles fiscaux sous-jacents que connaissent les entreprises qui effectuent des opérations dans plusieurs États membres, consiste à développer un système commun d’impôt sur les sociétés qui éviterait les coûts associés aux vingt-sept différents impôts sur les sociétés. 

Le modèle de fiscalité proposé par la Commission est articulé autour de trois axes : (i) établissement d’une assiette d’imposition commune et consolidée couvrant l’ensemble des activités développées au sein de l’Union européenne, (ii) définition de la formule de répartition de l’assiette d’imposition entre les divers États membres dans lesquels chaque entreprise exerce des activités et (iii) liberté de chaque État membre pour la fixation du taux d’imposition applicable. 

 

2.     Propositions techniques pour une future harmonisation de l’impôt sur les sociétés 

Dans le cadre du modèle fixé et afin d’établir une imposition harmonisée, la Commission a proposé les alternatives suivantes : (i) Home State Taxation (détermination de l’assiette d’imposition selon les règles de l’État de résidence de l’entreprise principale) ; (ii) Common Consolidated Tax Base (mise en place d’une réglementation européenne relative à la détermination de l’assiette fiscale, chaque État membre appliquant a posteriori ses autres dispositions fiscales au montant de l’assiette d’imposition lui correspondant) ; (iii) European Union Company Income Tax (création d’un impôt européen sur les sociétés, dont la régulation et le recouvrement, dans sa totalité, seront assurés par l’Union européenne et qui sera ensuite réparti entre les divers États membres) et (iv) Harmonised Tax Base (harmonisation des assiettes fiscales nationales existant dans les États membres). 

À ce jour, des progrès ont uniquement été réalisés dans le cadre des deux premières alternatives. En ce qui concerne la première, la Commission considère qu’il peut s’agir d’un moyen réaliste afin d’améliorer la situation des PME et a présenté un projet pilote pour sa mise en œuvre, même s’il n’est pas encore confirmé qu’il sera mené à terme. 

En revanche, malgré l’opposition de certains pays, de remarquables avancements ont été effectués dans le domaine de la Common Consolidated Tax Base, la présentation d’une proposition de directive étant prévue pour la fin de l’année 2008. 

A priori, les principaux avantages qu’obtiendraient les entreprises en choisissant d’être assujettie à ce système seraient : (i) une réduction des coûts de compliance résultant de leur présence dans différents États membres et du nombre de différends avec les diverses autorités fiscales, (ii) une éventuelle suppression de l’obligation de déterminer la valeur de marché des opérations intragroupe ainsi que des coûts associés au respect de cette obligation - bien que ce problème persisterait pour certaines entités, européennes ou non, qui ne feraient pas partie du groupe consolidé -, (iii) une imposition conforme à la situation européenne du groupe permettant la compensation des pertes de sociétés du groupe par les bénéfices d’autres entités d’autres États, et (iv) la création de structures organisationnelles optimales suite à la suppression du coût fiscal des procédures de restructuration. 

Cependant, certains détails techniques relatifs à son fonctionnement doivent encore être précisés avant la future publication d’une proposition de directive, en particulier ceux concernant les établissements financiers, la relation entre l’assiette d’imposition et les normes comptables NIC/NIFF, le périmètre de consolidation et la méthode de distribution de l’assiette fiscale.

Les propositions susmentionnées peuvent supposer un progrès important en ce qui concerne l’imposition des entreprises, permettant en grande partie une réduction des coûts fiscaux et de transfer pricing ainsi que l’amélioration de la compétitivité et de l’efficience des entreprises européennes. Elles pourraient en même temps entraîner la création d’un cadre juridique commun qui permettrait de faire face aux obstacles fiscaux qui rendent difficiles les activités transfrontalières au sein du marché unique. Néanmoins, leur avenir dépendra essentiellement du cadre institutionnel des prochaines années, de l’élan de la nouvelle Commission entrante ainsi que de la situation économique des États membres.


[1] Elle considérait principalement qu’il existait des obligations dans les flux de revenus (dividendes, redevances et intérêts) entre les sociétés mères et les filiales, lors d’opérations de restructuration d’entreprises, de compensation transfrontalière de pertes et de mise en place de politiques de prix de transfert intragroupe.

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